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La Poste: mon collègue s'est suicidé en juillet. Depuis, rien n'a changé (ou s'est empiré)


Cette semaine, une factrice a tenté de mettre fin à ses jours à Montpellier, alors que, quelques jours plus tôt, huit cabinets d'expertise déploraient une "dégradation des conditions de travail" à La Poste. Christian (prénom d'emprunt), facteur à Pontarlier, dans le Doubs, est de plus en plus inquiet : un de ses collègues s'est suicidé en juillet dernier, et depuis, rien n'a changé.

À La Poste, "la dégradation des conditions de travail et le mépris du dialogue social", mis en avant il y a quelques jours par huit cabinets d’expertise, sont une réalité. De même que les arrêts maladie, les burn-out et les suicides : Charles Griffond, postier de Pontarlier qui a mis fin à ses jours en juillet dernier, à 53 ans, était un de mes collègues.

 

"La Poste a petit à petit détruit ses employés"

 

Moi-même facteur à Pontarlier depuis une trentaine d'années, je voyais Charles Griffond tous les jours, jusqu’à ce qu’il soit mis en arrêt maladie. S’en est suivie une longue descente aux enfers, que nous n’avions pas vue venir.

 

Quand mon collègue est revenu travailler, la réorganisation de février 2015, censée répondre, selon la direction de La Poste à une chute des volumes de courrier à distribuer dans notre département, avait déjà commencé. Un jeune avait été employé pour reprendre sa tournée pendant son absence et tout avait changé. Sa tournée en vélo avait été allongée : on lui avait rajouté plus de 200 boîtes aux lettres. Charles était perdu et n’a pas tenu le coup.

 

La lettre qu’il a laissée quand il s’est suicidé mettait en cause notre employeur :

 

"La Poste a petit à petit détruit ses employés, les vrais postiers, ceux qui avaient le contact avec les gens. En ce qui me concerne, ils m’ont totalement détruit."

 

À Pontarlier, nous étions tous abasourdis, écœurés et en colère. Les choses ont-elles changé depuis ? Malheureusement, elles ne font que s’empirer

.

Burn-out, arrêts maladie et mises à pied

 

Chez nous, comme dans les bureaux de Poste alentour, les burn-out se succèdent.

 

À un collègue malade qui avait des soucis de santé, un encadrant a rétorqué de tout de même aller distribuer le courrier : il a vomi dans sa voiture.

 

Lorsqu’une autre factrice a récemment été arrêtée pendant trois semaines, elle a dû gérer deux tournées à son retour, car personne ne l’avait remplacée en son absence.

 

Il y a également des cas de mise à pied de collègues refusant de faire des heures supplémentaires pas du tout ou partiellement payées.

 

Le nombre de maisons sur ma tournée a triplé

 

Depuis cinq ans, nos conditions de travail se dégradent chaque jour un peu plus. Auparavant, nous avions le temps de faire nos tournées. Puis elles se sont allongées et on nous a demandé de plus en plus d’efforts, pour compenser des départs à la retraite que La Poste ne veut pas remplacer.

 

Au début des années 2000, ma tournée était composée de 180 maisons et étendue sur 50 kilomètres. Aujourd’hui, le nombre de logements a triplé et les kilomètres ont augmenté par la même occasion, et le tout aux 35 heures alors que nous étions aux 39 heures avant.

 

Nous subissons par ailleurs de plus en plus de pressions pour faire du commercial et vendre les produits de la Poste, sans compensation de salaire. Des prestations soi-disant non obligatoires, mais à propos desquelles nous recevons des menaces : si nous refusons, notre supérieur ne manquera pas de le noter dans notre entretien d’appréciation, qui a lieu chaque année.

 

La Poste nous demande ainsi notamment de livrer des fleurs, des médicaments ou encore des courses, mais également de faire des fiches pour les clients qui seraient intéressés par des produits en particulier, afin de les transmettre aux conseillers financiers.

 

Résultat, nous ne réussissions plus à finir nos tournées dans le temps qui nous est donné. La Poste nous impose des cadences que nous ne pouvons plus tenir et nous multiplions les heures supplémentaires impayées.

 

Plus personne ne veut être facteur

 

Cela fait à présent une trentaine d'années que je suis facteur, six jours sur sept, dès 7 heures. Le tout pour 1.600 euros net chaque mois.

 

Je ne parle même plus du contact humain et du lien social, qui est avant tout ce que j’appréciais dans mon métier : je n’ai plus le temps de parler aux gens sur ma tournée.

 

Avant, tout le monde s’imaginait que travailler à La Poste, c’était des vacances. Aujourd’hui, il y a des jeunes qui font la formation de facteur, restent un jour ou deux, et décident d’aller voir ailleurs, car c’est trop difficile et insuffisamment payé pour eux.

 

Si nous ne nous mobilisons pas, nos conditions de travail vont encore s’empirer. Combien de suicides faudra-t-il pour que la direction de La Poste cesse de détruire notre métier ?

 

 

Propos recueillis par Rozenn Le Carboulec.

lire l'aticle ICI



21/10/2016
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